Sabina Knight, not wearing glasses after her eye surgery.

Ma Vision

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Sabina Knight, traduit par Pascal Piedfort

La cécité évitable concerne plusieurs millions de personnes dans le monde, mais la modique somme de 25$ est suffisante pour sauver une victime de cette affection.

Imaginez avoir été contraint de vous adapter à vivre avec un déficit croissant de votre vision puis de la récupérer par une simple opération, avant ensuite de découvrir que vous pourriez financer 800 interventions identiques à la vôtre et redonner la vue à 400 personnes…

Je ne l’avais jamais imaginé, mais c’est précisément ce que j’ai fait le 9 décembre 2019 en remplissant un simple dossier. J’espère que vous lirez mon histoire et que vous aussi vous déciderez de consacrer 25$ pour offrir la vue à un malade.

Le 30 septembre et le 7 octobre 2019, un chirurgien a procédé à l’extraction du cristallin de chacun de mes yeux pour restaurer ma vue ( l’extraction du cristallin est l’équivalent de l’opération de la cataracte, mais pour des patients qui n’en sont pas encore victime et qui souffrent d’autres types de désordres sévères de la vision ).

Juste avant l’intervention, ma vision avait tellement décliné que, sans lunettes, je me cognais aux encadrements de portes.

Sans lunettes, j’étais incapable de déchiffrer un quelconque document que j’aurais eu en main. Totalement incapable. Je ne pouvais pas reconnaître quelqu’un dans la rue avant que d’être très près de lui. Sur mon téléphone, je ne pouvais voir QUE l’heure. Même avec des lunettes, écrire un message relevait d’un savoir-faire acrobatique qui m’était inaccessible. Mes doigts étaient devenus incroyablement gourds. Comment font les gens pour trouver les bonnes touches? Je ne pouvais pratiquement pas les voir.

En observant l’époux aveugle d’une amie, j’avais appris des astuces pour éviter les accidents. Comme suivre le mur avec le bout de mes doigts jusqu’à la salle de bains, la nuit ou si je n’avais pas pu trouver mes lunettes ( j’ai appris aussi à ne retirer celles-ci que pour dormir, me laver le visage ou accomplir des tâches similaires ). Mais même avec cet arsenal de nouvelles solutions, j’ai du arrêter d’utiliser mon vélo.

Les deux opérations d’extraction du cristallin ont alors révolutionné ma vie. De nouveau, je peux voir l’heure sur la pendule de l’autre côté de la pièce. Je peux voir les mains tendues sans plisser des yeux. Je ne suis plus prise de panique si je ne trouve pas mes lunettes à la minute. Et je distingue les écrans de réglage et les symboles des applications sur mon iPhone suffisamment pour pouvoir apprendre à les utiliser. Je fais de nouveau du vélo. Et quand je danse, je peux de nouveau conduire mes virages avec précision par rapport à mon partenaire. Je ne suis plus terrorisée à l’idée de ma dépendance totale à l’égard d’autrui si quoi que ce soit devait arriver à mes lunettes dans un moment d’urgence ( comme un accident de voiture ou une tempête ). Je peux me permettre de longues plages quotidiennes de lecture ( ce qui est essentiel pour moi puisque je suis professeur de littérature et auteur ).

Mais plus magique encore, le monde est devenu comme un feu d’artifice de couleurs. A ma sortie de la clinique, et découvrant un ciel bleu comme je ne le connaissais pas ou plus, le monde m’a semblé ressembler à celui décrit par les consommateurs de LSD. J’ai d’abord pensé que, si la petite dose de Fentanyl utilisée comme anesthésique pour l’opération produisait cet effet, je pouvais comprendre comment l’on pouvait y devenir accroc. Mais mon amie Macci, qui me raccompagnait après l’intervention et qui avait été elle-même opérée de la cataracte quelques années auparavant, m’expliqua que toutes les couleurs semblaient plus vives après celle-ci. Assurément, les couleurs ne s’étaient pas estompées. Avant l’opération, Je percevais encore les couleurs. Je pouvais les identifier, mais c’était comme si tout était passé au travers d’un filtre brun foncé. Certes, le carnaval psychédélique des premiers jours a disparu assez vite, mais la vivacité des couleurs est restée, et particulièrement celle des bleus, qui m’étonne encore chaque matin. Comme un retour quotidien à l’enfance.

Un détail amusant, c’est que j’avais expliqué à beaucoup de personnes que les merveilleux feuillages de l’automne en Nouvelle Angleterre avaient disparu avec le temps ( sans doute un effet de la pollution, pensais-je ). mais ils n’avaient pas disparu. Les retrouver comme 21 ans auparavant à mon arrivée dans la région fût comme une nouvelle révélation. Cette expérience m’a alors fait me souvenir de ne pas croire que mes opinions ou interprétations sont vraies, ni même que mes perceptions le sont.

Lorsque j’ai entendu parler de l’extraction du cristallin, cela semblait trop beau pour être vrai. ( Je n’étais pas candidate à une opération au laser. ) Et lorsque j’ai appris que le meilleur chirurgien de ma région était disposé à m’opérer, j’eus l’impression que l’on m’envoyait une bouée de sauvetage alors que je me noyais. Retrouver la vue c’était retrouver une raison d’espérer après une série de pertes personnelles dans mon entourage, qui m’avaient laissées avec une immense impression de vulnérabilité.

Retrouver la vue m’a redonné aussi un sentiment de pouvoir. Durant la visite de contrôle le jour suivant ma première opération, mon chirurgien m’expliqua son engagement bénévole pour soigner les aveugles en Inde. Il partagea un lien avec un film de 28 minutes, « Second Sight » ( dont il existe aussi un résumé introductif en une minute ). Ce documentaire m’a donné un premier aperçu de comment le fait de soigner la cécité impactait la vie des malades et leurs familles. A la fin, je fondais en larmes. Je pleurais, encore et encore. Je le regardais de nouveau. Et connaissant la conclusion, je pleurais du début à la fin.

Je m’enquérais ensuite de savoir combien coutait le fait de guérir la cécité de quelqu’un. « au plus 50 $, et sans doute moins », répondit mon médecin. « Quel incroyable résultat ! » m’émerveillais-je. II acquiesçait. Il ajouta qu’il serait encore plus efficace de développer des infrastructures sur le terrain pour que des chirurgiens locaux puissent pratiquer les opérations.

SEE international et d’autres organisations équivalentes accomplissent cette mission. ll avait passé en revue plusieurs ONG avant de choisir SEE International ( Surgical Eye Expeditions, Expéditions de Chirurgie Ophtalmologique ). Et sachant que les organisations évoluent, il m’expliqua qu’il contrôlait la manière dont SEE utilise les dons. Et en fait, SEE n’a fait qu’améliorer sa performance avec le temps.

Depuis, j’ai décidé de dédier la plus grande partie de mes dons de bienfaisance à SEE international. Et je dors mieux en sachant que je peux allouer des fonds pour traiter la cécité mais aussi aider à augmenter les dons à l’organisation. Les cataractes faciles à traiter chirurgicalement représentent plus du tiers des causes de cécité parmi les 36 millions de personnes aveugles dans le monde, un nombre qui devrait tripler d’ici 2050.

J’étais joyeuse et légère lorsque je me suis réveillée au lendemain de l’envoi de ma donation. Et vous, n’avez vous pas vous aussi le désir de ressentir la satisfaction de changer pour le meilleur la vie d’une personne et celle de sa famille?

Il n’en coute que 25$ à SEE et un de leurs chirurgiens bénévoles ( qui payent tous leurs billets d’avion ) pour opérer une cataracte et redonner la vue à quelqu’un.

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